lundi 12 août 2013
WALL-E (french)
Space, sex and sun
Cette remarquable création, sortie des studios Pixar en 2008, surfe bien sûr sur la vague écologique, mais son véritable sujet est ailleurs. Une fois n'est pas coutume pour un film d'animation, le Wall-e d'Andew Stanton ne parle (presque) que de sexe.
Si le petit robot nettoyeur affiche 700 ans au compteur, il n'en demeure pas moins une machine dynamique et attachante à laquelle on a confié la tâche ingrate de compacter les déchets laissés par les humains sur la Terre, de les transformer en cubes et d'en dresser d'étranges pyramides, comme un enfant le ferait avec un jeu de construction. Wall-e n'en est pour l'instant qu'au stade anal : il pousse pour éjecter les cubes qui sortent de son ventre.
L'analogie de Wall-e avec un enfant ne s'arrête pas là. Wall-e collectionne des jouets, part chaque matin en emportant son petit sac à dos et se berce lui-même avant de s'endormir. Mais sa sexualité encore balbutiante n'en est pas moins en germe. Les pyramides qu'il battit sont autant de tours phalliques vertigineuses dressées vers le ciel, et le petit compagnon qui l'accompagne (le cafard), est un artefact muet et sympathique qui fait office d'objet transitionnel en l'absence de contact avec son propre créateur.
Wall-e hante en effet un monde inhabité d'où toute vie, donc toute sexualité, a disparu. Ce qui vaut pour la Terre vaut également pour le vaisseau spatial dans lequel les humains on trouvé refuge.
Incapables de se mouvoir sans le secours d'aéro-fauteuils en lévitation en raison de leur obésité, les descendants des habitants de la Terre ne peuvent avoir de relations sexuelles (il suffit de constater l'émoi que suscite le contact physique de leur main chez John et Mary, les humains avec lesquels Wall-e échange quelques présentations, pour s'en persuader). Dans cet univers spatial ultra-confiné où tout est programmé pour satisfaire des besoins superficiels et inutiles (loisirs et consommation de masse), où tous les jours se ressemblent, où toute initiative a disparu, le genre humain débilité et réduit à l'état de légumes obèses et solitaires a confié son existence et son avenir entre les mains de machines qui, sous prétexte de les servir, ont fini par les domestiquer et en faire des enfants. Si reproduction il y a, elle ne peut être qu'artificielle.
Les restes de cette sexualité désormais évaporée se retrouvent désormais à la décharge, comme l'indique le soutien-gorge dont Wall-e se couvre les yeux, ne sachant à quoi il peut servir.
La société Buy n Large qui affrète le vaisseau est pointé comme le premier responsable de ce désastre. Dans l'une des publicités qui vante encore ses services sur la Terre désertée, son président vante les voyages dans l'espace comme la promesse d'un hypothétique 7ème ciel aux accents sexuels évidents. Il s'agit donc bel et bien d'une trahison envers l'espèce humaine, qu'il suffit d'engraisser pour la maintenir éternellement à bord.
La découverte par Wall-e d'un germe vivant annonce l'arrivée du robot immaculé, très justement prénommé "Eve". Celle-ci (il s'agit évidemment d'un robot féminin) va permettre de rallumer la flamme (du briquet) d'une sexualité que les machines sont parvenues à nier, contraignant les humains à vivre dans le monde désincarné qui constitue leur sorte d'idéal robotique. Le but unique d'Eve : traquer une forme de vie naturelle et la ramener sur le vaisseau-mère afin de donner aux humains le signal de la recolonisation de la Terre. Elle accomplit sa tâche à merveille. A peine a-t-elle découvert le germe ramené par Wall-e, qu'elle se l'implante elle-même dans le ventre (ou plutôt l'utérus) et se met en veille.
Ramenée sur le vaisseau-mère, la blanche Eve sera allongée sur une civière, révélant un corps en forme d'oeuf de poule très caractéristique. Il ne s'agit pourtant que d'une étape préliminaire, Eve signifiant simplement qu'elle est désormais féconde, mais non fécondée (son "ouverture" devant le capitaine sera un échec, le germe ayant disparu, enlevé par l'assistant du robot-commandant Auto). Reste donc à passer à l'acte. L'amour naissant et provisoirement contrarié de Wall-e pour la belle Eve va permettre de concrétiser la chose.
C'est au cours de la sortie dans l'espace des deux robots, une scène d'amour magnifique, torride et incroyablement explicite, que Wall-e, pourvu d'un extincteur en guise d'appareil génital, fécondera sa compagne sous des flots de mousse carbonique. On notera que, sur Terre, Wall-e a déjà eu affaire à un extincteur trouvé dans une décharge, mais le fonctionnement de celui-ci ne lui était alors pas familier et cette première expérience éjaculatoire, brève et inattendue, s'est avérée déroutante pour le jeune robot. Cette fois, il va apprendre à le maîtriser en compagnie de sa partenaire.
A l'issue de cette sortie spatiale, le germe réintègre dans un premier temps l'utérus d'Eve avant d'être montré en exemple aux humains dans la grande salle du vaisseau et, comme on s'en doute, de donner des idées à nos congénères. Profitant en effet d'un instant où le vaisseau se met à giter, ceux-ci se laissent glisser les uns après les autres, avec un mélange de crainte et d'excitation, vers un point de rassemblement unique, et dans une configuration de débauche sexuelle et symbolique inédite ("John, annonce l'une des passagère à son futur partenaire, prépare-toi à avoir des enfants !").
Ce n'est qu'à ce prix que l'espèce humaine retrouvera enfin sa dignité et son statut (les premiers pas du commandant se font sur la musique d'Ainsi parlait Zarathoustra de Richard Strauss, rendue célèbre par son utilisation dans 2001 : l'Odyssée de l'espace de Kubrick, lorsque les singes deviennent des hominidés).
La réappropriation de leur sexualité par les humains ouvre en effet la perspective d'une vie future sur la Terre de leurs ancêtres. Le cycle de la vie peut désormais commencer.
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